samedi 20 avril 2013

Crise Identitaire

La deuxième personne
- de Sayed Kashua

Résumé :

Un avocat arabe, installé dans un quartier juif de Jérusalem, tombe sur un billet d'amour adressé par sa femme à un certain Yonatan. Saisi d'une jalousie dévorante, il n'a de cesse de le retrouver.
Un jeune travailleur social arabe est engagé pour s'occuper d'un tétraplégique. Il s'empare peu à peu de l'identité de celui-ci.
La course éperdue de ces deux hommes en quête de leur vérité, et dont les destins vont se croiser.

Avis :

Sayed Kashua est palestinien et écrit en hébreu. Il est en plein dans la problématique de son roman : l'identité et la place des palestiniens en Israël.



D'un côté un arabe qui a réussi, un avocat plein aux as, marié père de deux enfants, mais qui n'a pas de nom, et qui ne semble pas lui-même. Il entre dans le moule, fait ce qu'on attend de quelqu'un de sa classe sociale, qui n'est plus vraiment arabe comme ses parents, mais qui ne sera jamais un juïf. Tout est dans le paraître : l'emplacement de son bureau, de sa maison, la taille de sa voiture, l'école que fréquentent ses enfants, le restaurant où ils achètent leurs sushis...
De l'autre, Amir, un travailleur social victime du système : travailleur social c'est l'aboutissement des études pour la plupart des arabes qui ne parviennent pas à être médecins ou avocats. Sur un coup de tête il démissionne et commence à s'occuper d'un tétraplégique juïf Yonatan, et petit à petit va se retrouver influencé par sa vie, et se passionner comme le jeune juïf pour la photographie.

Le monde de l'avocat s'écroule lorsqu'il achète par hasard le livre préféré de sa femme dans une bouquinerie et qu'il trouve à l'intérieur un "mot doux" écrit par elle. Il soupçonne tout de suite un adultère et se met à la recherche de son rival.
En dire plus serait sacrilège... Il faut voir monter l'avocat en pression pour apprécier pleinement le roman :)


Sur fond de conflit israélo-palestinien, on voit surtout s'opposer ces deux hommes. Ils viennent de la même région et pourtant ils ont pris des routes différentes. L'un s'est battu pour obtenir sa notoriété, il cherche à être plus juïf que les juïfs et pourtant il ne sera jamais considéré comme tel par les habitants d'Israël. L'autre s'est laissé porter, il ne cherche pas son passé mais il a l'impression de ne pas avoir d'avenir. C'est en prenant l'identité de Yonatan, en devenant quelqu'un d'autre, qu'il commence à se trouver lui-même.


J'ai beaucoup aimé le suspense dans ce roman. On alterne entre les parties sur l'avocat, et celles sur le travailleur social. Les deux histoires finissent par se croiser. On voit parallèlement l'avocat se détruire et le travailleur social se construire.
On est placé dans un cadre inconnu (la situation en Israël ce n'est pas tout à fait notre quotidien), et pourtant je n'ai pas été désorientée. Le conflit israélo-palestinien n'est pas présent en terme de guerre comme on en parle dans les journaux. C'est une description plus sociale de la situation actuelle. Et ça passe très bien, on ressent un peu les choses (autant qu'on le puisse en étant ni juïf, ni israélien^^)




Ce roman se lit tout seul.
Élu au prix Amphi de Lille3 2013, prix pour des œuvres étrangères actuelles, qui récompense l'auteur et son traducteur pour la version française.



Lu pour les challenges :

Israël



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