Les inachevés (Die Unvollendeten) - de Reinhard Jirgl
Synopsis :
"VOUS AVEZ 30 MINUTES - BAGAGES 8 KILOS MAXIMUM PAR PERSONNE - RASSEMBLEMENT À LA GARE - LES CONTREVENANTS SERONT PUNIS SELON LA LOI MARTIALE."
Johanna, 70 ans, ses filles, Hanna et Maria, et sa petite-fille de 18 ans, Anna sont contraintes, comme tous les allemands de la région, de quitter la petite ville tchèque de Komotau dans les Sudètes à la fin de l'été 1945.
Biens spoliés, repères piétinés, elles surmontent humiliations et vexations; bravent la morgue et la mesquinerie de suppôts tatillons et tentent de poursuivre une vie qui restera pourtant à jamais marquée par cette expulsion : réfugié un jour, réfugié toujours.
Chronique :
Une page de l'Histoire : l'expulsion des Allemands des territoires de l'Est rendus à la Pologne et à la République tchèque après la seconde guerre mondiale.
Ce qui frappe en premier lieu, c'est le style de l'auteur : Reinhard Jirgl écrit avec des abréviations, des tirets, des majuscules... il bouscule les codes de lecture. J'ai lu la moitié en allemand, l'autre moitié en français (date de rendu à la bibliothèque dépassée...), je peux donc affirmer que la traductrice Martine Rémon a fait un travail remarquable !
Cette ré-écriture apporte à la lecture, on lit différemment. Et même si parfois on ne comprend pas le pourquoi des tirets ou de telle écriture, ça reste très lisible.
L'histoire maintenant !
4 femmes quittent "le-Pays", perdant tous leurs repères et tous leurs biens après la guerre : elles sont chassées par les tchèques des Sudètes (ex-territoire allemand qui ne l'est plus). Si les plus âgées passent leur temps à regretter leur vie passée et ce qu'elles ont perdu et à attendre le moment où elles pourront rentrer chez elles, Anna la plus jeune tente de se faire une nouvelle vie.
Elles doivent supporter l'expulsion et les mauvais traitements des allemands qui les "accueillent" de force, et donc n'en sont pas ravis parce qu'elles leur prennent leur travail, leur logis, leurs droits.
En même temps, c'est la guerre froide. Elles se sont installées à l'Est, en RDA, pour être plus proches "du-Pays". On voit aussi l'affrontement Est-Ouest, le socialisme et la propagande du "eSEhDé". La vie est dure, mais ces femmes sont fières, elles n'acceptent l'aide de personne et se font bien souvent rouler, mais sans jamais une plainte (fierté mal placée ?)
La fin est racontée par l'arrière-petit-fils, donc le fils Anna, qu'elle a eu hors mariage. Un regard extérieur, et pourtant lui non plus n'est pas un allemand de l'unification malgré sa jeunesse. L'éducation qu'il a reçue de sa grand-mère, fière et recluse, travailleuse, qui ne se plaint jamais, a déteint sur lui.
Très impressionnée par le travail d'écriture (remarquez que je n'ai pas tenu longtemps le style : 4 femmes quittent "le-Pays" & "eSEhDé", repris du roman !). Une page de vie, une page d'Histoire qu'on ne raconte peut-être pas assez.
Lu pour les challenges :
Allemagne
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